Valentina Emiliani, élue Femme scientifique de l’année par l’Académie des sciences
Responsable du département photonique et de l’équipe Modulation du front d’onde à l’Institut de la Vision, Valentina Emiliani (directrice de recherche CNRS) a bouleversé l’exploration du cerveau par des approches optiques révolutionnaires qu’elle développe depuis vingt ans. En l’élisant femme scientifique de l’année ce 25 novembre, l’Académie des sciences souligne la reconnaissance internationale de ses travaux en neurophotonique, une recherche à l'interface entre l'optique et les neurosciences.
Une chercheuse qui en pince pour la lumière
Physicienne de formation et originaire de Rome, Valentina Emiliani débute sa carrière scientifique en étudiant la propagation de la lumière dans des structures quantiques à semi-conducteurs, permettant d’observer des détails plus petits que la longueur d’onde de la lumière. Elle rejoint Paris en 2002 pour initier une recherche interdisciplinaire : utiliser des pinces optiques, qui permettent de piéger et manipuler des microbilles dans un faisceau laser, afin de stimuler mécaniquement des cellules et d’étudier en détail leur réponse. Ce contact avec la biologie l’amène à créer en 2005 sa propre équipe baptisée Microscopie à Modulation du Front d’Onde, afin de répondre à une question : comment peut-on façonner la lumière pour comprendre, interroger et finalement agir sur les circuits du cerveau ?
Promue directrice de recherche CNRS en 2011, elle rejoint en 2018 avec son équipe l’Institut de la Vision et y prend la direction du nouveau département de photonique.
Valentina Emiliani et son équipe interdisciplinaire sont aujourd’hui des leaders mondiaux dans l’application des concepts d’optique moderne aux neurosciences, notamment pour la compréhension et la manipulation des circuits visuels. Le développement de méthodes innovantes est le cœur des travaux de Valentina : Elle se décrit volontiers comme une « sculptrice de lumière » — une image qui aide à comprendre ce qui se cache derrière la modulation du front d’onde.
Sculpter la lumière – Moduler le front d’onde
Pour projeter des motifs lumineux complexes à l’intérieur du cerveau, Valentina agit notamment sur la modulation du front d’onde, c’est-à-dire sur le contrôle de la forme que prend la lumière au cours de sa propagation. Pour atteindre cet objectif, son équipe a été pionnière dans l’utilisation de la technique d’holographie générée par ordinateur (Computer-Generated Holography) à focalisation temporale et à excitation bi-photonique. Cette approche permet de façonner la lumière en trois dimensions afin de produire, dans le tissu neural, la carte exacte du volume du motif lumineux souhaité. Grâce à cette technologie, il devient possible d’illuminer sélectivement une ou plusieurs cellules dans le cerveau, en temps réel sur des modèles expérimentaux.
Ces avancées technologiques ont ouvert un nouveau champ expérimental en neurosciences. Leurs précision spatiale et temporelle inégalées permet d’aborder le fonctionnement du cerveau sous un angle inédit.
La révolution de l’optogénétique de circuits

Née dans les années 2000, l’optogénétique consiste à modifier le génome de certains neurones de manière à les rendre sensibles à la lumière, afin de contrôler leur activité de manière non invasive. Cette technique révolutionnaire a permis pour la première fois, de cartographier l’activité cérébrale avec au niveau du type cellulaire. Mais pour comprendre les circuits neuronaux en profondeur, il fallait pouvoir visualiser et manipuler leur activité avec la résolution de la cellule unique et sur l’échelle temporelle de la milliseconde. Les méthodes développées par Valentina et son équipe atteignent aujourd’hui ce niveau de précision, grâce à la combinaison de la modulation holographique du front d’onde et de l’optogénétique. Cette approche interdisciplinaire, qu’elle a baptisée circuit optogenetics, permet d’activer ou d’inhiber des neurones individuels au sein d’un réseau tout en enregistrant simultanément leur réponse, ouvrant ainsi la voie à une compréhension fine du fonctionnement des circuits cérébraux.
L’essor du tout-optique pour étudier la vision
Depuis son arrivée à l’Institut de la Vision, Valentina Emiliani a poursuivi le développement de ces outils afin par exemple d’atteindre des circuits neuronaux situés plus profondément dans le tissu cérébral ou d’explorer des régions plus étendues du cortex visuel. Elle a également initié le développement d’approches d’holographie par fibre optique permettant d’accéder aux circuits neuronaux chez l’organisme en libre mouvement, ouvrant ainsi la voie à l’étude de l’activité cérébrale dans des conditions comportementales naturelles.
Combinées à des sondes de voltage, ces approches permettent aujourd’hui non seulement de manipuler l’activité neuronale avec une précision milliseconde, mais aussi d’enregistrer directement le signal électrique produit dans le cerveau, jusqu’au niveau du neurone. Ce double contrôle, stimulation et enregistrement entièrement optiques, constitue ce que l’on désigne désormais comme une manipulation tout-optique des circuits neuronaux. L’équipe de Valentina se concentre désormais sur l’étude des circuits impliqués dans la vision, depuis la rétine jusqu’au cortex visuel. L’objectif est d’en comprendre la réorganisation avant et après une perte de vision, mais aussi de concevoir des dispositifs d’illumination holographique qui, combinés aux thérapies optogénétiques, pourraient conduire à des stratégies avancées de restauration visuelle chez l’être humain.

*I-Wen Chen*, Chung Yuen Chan*, Phillip Navarro, Vincent de Sars, Emiliano Ronzitti, Karim Oweiss, Dimitrii Tanese* et Valentina Emiliani*
High-throughput synaptic connectivity mapping using two-photon holographic optogenetics and compressive sensing in vivo
Nature Neuroscience, 2025
https://www.nature.com/articles/s41593-025-02024-y
