Mécanismes de la myopie : le rôle clé du gène DUSP4
A l’Institut de la Vision, l’équipe dirigée par Isabelle Audo et Christina Zeitz a révélé le rôle clé du gène DUSP4 dans la régulation de la croissance de l’œil et sa sensibilité à la lumière. Pré-publiée* en octobre 2025, leur découverte précise les mécanismes génétiques à l’origine de la myopie.

La myopie, une épidémie mondiale mal comprise
D’après l’OMS, Le nombre de personnes myopes dans le monde pourrait dépasser 5 milliards en 2050. Or, la myopie forte peut entraîner des complications graves comme le décollement de la rétine ou la dégénérescence maculaire, menant à terme à la cécité. Comprendre l’origine de la myopie est donc un enjeu majeur en santé publique. S’il est établi que l’apparition de la myopie dépend à la fois de facteurs environnementaux comme la lumière et de prédispositions génétiques, ces mécanismes restent à élucider.
La découverte de l’équipe dirigée par Isabelle Audo et Christina Zeitz à l’Institut de la Vision apporte un élément de réponse sur cette interaction gène-environnement dans le développement de la myopie. En montrant le lien direct entre l’expression du gène DUSP4, les mécanismes de croissance de l’œil et la signalisation rétinienne en réponse à la lumière, ils ouvrent la voie à de nouvelles pistes pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent les troubles de la vision, afin de mieux les prévenir et les traiter.
Une découverte issue de la recherche fondamentale sur les maladies rares
Avant d’arriver jusqu’au gène DUSP4, l’équipe de génétique de l’Institut de la Vision travaillait sur les causes génétiques de la cécité nocturne stationnaire congénitale. Cette maladie rare est associée à une altération de la vision dans la pénombre, mais également à une forte myopie. Christina Zeitz et ses collègues ont ainsi émis l’hypothèse que l'inactivation de certains gènes impliqués dans la cécité nocturne stationnaire congénitale pouvait déclencher une cascade d'altérations qui, en affectant certains mécanismes de la croissance rétinienne, contribuerait au développement de la myopie.
Dans une précédente publication**, l’équipe et ses collaborateurs de l’Institut de la Vision avait relevé 52 gènes dont l’expression était impactée par les différentes formes de la cécité nocturne stationnaire congénitale. En analysant la littérature scientifique, ils ont montré que la moitié d’entre eux étaient associés à la myopie. Parmi eux, le gène DUSP4 a retenu l’attention des auteurs de la nouvelle étude. En effet, si ses fonctionnalités étaient encore inconnues dans la rétine, il y était bien exprimé dans les couches internes de la rétine qui sont probablement importantes pour le développement et la protection de la myopie.
Christina Zeitz et le chercheur Baptiste Wilmet ont donc étudié en détail le rôle de DUSP4. Ils ont notamment montré que ce gène est exprimé dans les cellules bipolaires de la rétine, qui transmettent les signaux lumineux aux neurones responsables de la vision. L’absence de DUSP4 induit chez ces cellules un déséquilibre qui impacte deux voies neuronales essentielles, dites « ON » et « OFF », qui traitent les signaux lumineux entrants. Ce déséquilibre modifie la libération de la dopamine, un neuromédiateur indispensable au développement sain de l’œil, le rendant plus vulnérable aux facteurs environnementaux favorisant la myopie.
Un chaînon manquant pour la compréhension de la myopie
Ces résultats révèlent un mécanisme inédit reliant directement la signalisation lumineuse et les voies neuronales rétiniennes à la croissance oculaire. La découverte du rôle de DUSP4 apporte un éclairage nouveau : loin d’être un simple gène de plus associé à la myopie, il se distingue par son importance dans la régulation lumière-dépendante de la dopamine et des voies ON/OFF, faisant de lui un point de convergence unique entre facteurs génétiques et environnementaux de la myopie.
Les précisions apportées à son mécanisme pourraient expliquer pourquoi certains individus sont plus sensibles à la myopie, et fournir de potentielles cibles thérapeutiques. Les chercheurs de l’Institut de la Vision poursuivent leurs travaux pour comprendre comment DUSP4 interagit avec d’autres gènes impliqués dans la myopie, ainsi que son rôle dans d’autres maladies rétiniennes.
* Wilmet B, Michiels C, Zhang J, et al. Increased sensitivity to myopia and altered retinal ON/OFF balance in a mouse model lacking Dusp4. bioRxiv 2025.09.29.678242; doi: https://doi.org/10.1101/2025.09.29.678242
** Zeitz C, Roger JE, Audo I, et al. Shedding light on myopia by studying complete congenital stationary night blindness. Prog Retin Eye Res. 2023;93:101155. doi:10.1016/j.preteyeres.2022.101155