Retour aux actualités
Recherche / 29 février 2024

Organoïdes rétiniens, une banque cellulaire incontournable pour lutter contre les maladies rares

À l’occasion de la Journée internationale des maladies rares, Olivier Goureau, Directeur de recherche en développement et régénération de la rétine, répond à 5 questions sur ces outils biologiques à l’origine d’avancées majeures en biologie et médecine.

Quelle est la définition d’un organoïde ?

C’est une structure en 3D, cultivée in vitro, qui va reproduire l'architecture d’un organe et si possible, certaines de ses fonctions, à partir de cellules humaines. Souvent, le nom « mini-organe » est utilisé, mais je préfère parler d'un avatar d’organe, un avatar de la rétine. Car le terme mini-organe peut laisser penser que nous pourrions remplacer nos organes par des greffes intégrales et ce n’est pas le cas.

En quoi cette technologie est-elle indispensable pour la recherche sur les maladies rares ?

Le développement de nouvelles thérapies passe par l’utilisation d’un modèle animal qui récapitule les signes cliniques de l’Homme. Dans le cas des maladies rares de la rétine, nous n’avons que très rarement des modèles animaux. L’organoïde offre donc la seule alternative capable d’apporter la connaissance de la maladie et la preuve de concept (preuve l’efficacité) d’une thérapie. Comme il est créé à partir de cellules d’un patient, il va porter la mutation et les mêmes signes cliniques ou phénotypes que lui. Nous allons donc pouvoir étudier spécifiquement et modéliser une maladie rare, avec ses mutations et tester les thérapies possibles. Nous gagnons beaucoup de temps.

La recherche sur les maladies rares est l’un des fers de lances de l’Institut de la Vision. 
En quoi cet écosystème est-il bénéfique à votre travail ?

L’avantage de l’Institut de la Vision est que nous travaillons en collaboration avec plusieurs équipes, comme celles :

  • d’Isabelle Audo et Christina Zeitz qui étudient de grandes cohortes de patients pour identifier les anomalies génétiques à l'origine des maladies héréditaires de la rétine. Nous avons donc accès à des cellules de patients portant différentes mutations. Nous pouvons constituer une banque de données ;
  • de Kate Grieve qui a créé un module d’imagerie qui permet l’étude des organoïdes rétiniens en temps réel : d’observer les mécanismes d’une maladie, son évolution et la dégénérescence qu’elle induit, à l’échelle de la cellule et d’évaluer l’impact d’une thérapie, en monitorant l’organoïde traité.

Comment fabrique-t-on un organoïde ?

À l'origine, l’organoïde peut être produit uniquement à partir de cellules souches, qui vont être capables de se multiplier et s'organiser. Elles existent dans certains tissus humains mais pas dans la rétine. À l’institut de la Vision, avec mon équipe, nous avons breveté une technique pour transformer des cellules souches pluripotentes* présentes dans la peau, en organoïde rétinien qui contient bien l’ensemble des types cellulaires de la rétine (les photorécepteurs : les cônes et les bâtonnets ; les cellules ganglionnaires, les cellules gliales, ou encore celles de l’épithélium pigmentaire…). Nous avons formé de nombreux chercheurs à notre technique et elle profite à d’autres centres dans le monde.

Un organoïde peut-il contribuer à réparer la rétine ?

En plus d’être un formidable matériau vivant pour décrypter les maladies, les organoïdes ouvrent des perspectives encourageantes dans le domaine : 

  • de la thérapie cellulaire : l’objectif est d’utiliser les organoïdes comme source de photorécepteurs sains (non porteurs d’une mutation) pour les transplanter ensuite dans la rétine du patient. Cette piste pour remplacer les cellules touchées par la maladie est à l’étude mais le chemin est encore long. Tout l’enjeu de nos recherches est de savoir si la restauration de la vision sera suffisante et satisfaisante. 
  • de la thérapie génique. Nous avons récemment montré que nous pouvons empêcher la mort des photorécepteurs dans des cas de rétinopathie pigmentaire. Le gène-médicament a été introduit dans l’organoïde malade par un vecteur viral. C’est une très belle avancée et une belle preuve de concept qui ouvre la perspective d’essais cliniques et de développement d’un traitement.
     

*Cellules souches pluripotentes : cellules qui ont la capacité de donner naissance à tous les types cellulaires.